La bulle immobilière menace en France par Marc Touati

Marc Touati est économiste et Président du cabinet ACDEFI

Cela nous est forcément arrivé un jour : que ce soit avec notre ordinateur, notre téléphone portable, notre boxTV ou encore notre voiture, lorsque les dysfonctionnements se multiplient, que certaines commandes ne répondent plus et que, ce faisant, notre appareil n’est plus fiable, il faut souvent se livrer à un « reset », c’est-à-dire à une réinitialisation complète de ce dernier.

C’est exactement ce qui est en train de se produire pour notre « belle planète ». En effet, la pandémie de Coronavirus constitue un choc équivalent à celui du krach de 1929 qui entraîna la « Grande dépression » des années 1930. Ce drame est donc encore plus puissant que ceux ont suivi les attentats du 11 septembre 2001 et la faillite de Lehman Brothers. En fait, pourtant de nature très différente, ces chocs ont un point commun : ils font tomber le monde dans l’inconnu, imposant à ce dernier de changer de paradigme économique et sociétal.

Bien entendu, soyons-en convaincus : cette crise finira bien par se terminer. Et le plus tôt sera bien sûr le mieux. Une question demeure néanmoins sans réponse : dans quel état ? Lors d’un tsunami, c’est effectivement lorsque l’eau se retire que l’on peut mesurer l’ampleur des dégâts.

Et, dans le cas présent, ces derniers seront forcément énormes. Tout d’abord d’un point de vue humanitaire compte tenu du nombre élevé de vies perdues prématurément. Pour autant, il serait erroné de croire que les conséquences négatives du Coronavirus s’arrêteront lorsque les décès des malades cesseront. Celles-ci seront malheureusement nombreuses et durables.

Nous ne sommes évidemment pas devins et ne pouvons pas savoir avec précision quand et comment l’Humanité sortira de cette crise, mais nous pouvons néanmoins d’ores et déjà esquisser quelques évolutions économiques et financières probables pour l’après-crise.

Première conséquence, la Chine devrait tomber de son piédestal et connaître une phase de ralentissement durable. Or, dans la mesure où, depuis une quinzaine d’années, la Chine réalise directement près de 40 % de la croissance mondiale, il est clair que cette dernière va aussi s’affaiblir structurellement.

Bien entendu, des mouvements de relocalisation de la production vers les pays développés permettront de limiter les dégâts. Mais, ne rêvons pas, cette réorganisation du système productif international prendra du temps et comportera de nombreux coûts. Dans ce cadre, une nette augmentation de l’inflation planétaire est envisageable, réduisant de facto la progression de l’activité mondiale.

Parallèlement, de nombreux secteurs d’activité vont être fortement et durablement affectés par la pandémie, y compris lorsque cette dernière sera terminée. Il s’agit bien sûr du tourisme, de l’hôtellerie, de l’aéronautique, mais aussi du luxe, dont 60 % de la croissance depuis dix ans provient de Chine.

En outre, la mondialisation constituant le bouc émissaire idéal de la pandémie, un mouvement de « repli sur soi » risque de se produire à travers la planète, ce qui réduira nettement les échanges internationaux et par là même la progression de l’activité internationale. Conséquence logique de cette décélération mondiale, les Etats-Unis et l’Europe, déjà en croissance structurellement molle et en récession cette année, connaîtront également une phase d’atonie économique durable.

Dès lors, déjà affectés par une très forte volatilité, les marchés financiers resteront chahutés Un nouveau krach boursier devrait ainsi s’imposer. Ce dernier a d’ailleurs commencé au printemps dernier et a été mis temporairement en sommeil par les « planches à billets » des banques centrales et la bulle du numérique.

Les taux des crédits iront évidemment dans le même sens, affaiblissant encore une activité économique déjà très mal en point. En outre, cette tension des taux longs va aussi susciter l’explosion des bulles immobilières, en particulier en France.

Parallèlement, nous allons aussi entrer dans un krach obligataire durable. En effet, la valse des milliards des Etats va mécaniquement creuser les déficits et les dettes de ces derniers. Or, si jusqu’à présent les investisseurs ont été aveuglés par « l’opium » des banques centrales, ils comprennent désormais avec pertes et fracas que les risques qui entourent les dettes publiques sont devenus dramatiquement élevés. Si bien qu’en dépit de la récession et de la faiblesse des taux d’intérêt monétaires, les taux d’intérêt des obligations d’Etat finiront inévitablement par augmenter.

En conclusion, à toute chose malheur est bon : oui la pandémie de Covid-19 sera douloureuse pour toutes et tous, mais elle se traduira par un « Reset » de l’économie et des marchés à travers le monde, qui pourront alors repartir, espérons-le, sur des bases plus saines.

Certes, cette remise à zéro pourrait aussi se traduire par un nouveau monde pire que l’ancien, avec notamment une hégémonie augmentée de la Chine, mais aussi des économies occidentales surendettées et incapables de retrouver le chemin de la croissance forte. Or, cette dernière reste la condition sine qua non pour sortir de la crise de la dette, qui, même si le monde l’a oublié, n’est toujours pas terminée.

De même, largement portées par la pandémie, les tentations du repli sur soi, de la démondialisation ou encore de la décroissance pourraient être érigées en dogmes incontournables. Une telle régression finirait forcément par réduire dramatiquement nos libertés, tout en empêchant les pays émergents de rattraper les pays dits développés et en suscitant une flambée du chômage et de la pauvreté à travers le monde.

Parallèlement, sorties d’ores et déjà renforcées par la pandémie, les entreprises du numérique, et en particulier les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), pourraient devenir encore plus puissantes et développer davantage leur pouvoir monopolistique et donc particulièrement dangereux.

En outre, après tant d’années de bulles et d’exagérations, il ne faudrait pas que les marchés financiers profitent de ce « Reset » pour retomber dans les mêmes travers et a fortiori les augmenter.

Pour toutes ces raisons et bien d’autres (que je détaille dans mon nouveau livre), il est donc indispensable que les dirigeants économiques, politiques et monétaires de la planète, mais aussi l’ensemble des citoyens du monde ne tombent pas dans ces pièges si tentants et qu’au contraire, ils tirent les leçons de leurs erreurs passées pour ne pas les rééditer.

Autrement dit, ne baissons pas les bras. Car de la même façon qu’un « Reset » est parfois nécessaire pour relancer une machine ou un appareil défectueux, l’économie, les marchés financiers et nos sociétés au sens large pourront bientôt redémarrer sur des fondements meilleurs.

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