Franck Dixmier : « La Fed sur une ligne de crête « 

  • La prochaine réunion du comité de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine est très attendue par les investisseurs.
  • Face au changement de régime sur les marchés de taux consécutif à l’embellie des perspectives économiques, la Fed se trouve dans une situation délicate à gérer, prise entre des contraintes de court terme et des objectifs de moyen terme.
  • La Fed pourrait ralentir la hausse des taux long terme mais il lui sera difficile de l’empêcher. Les marchés devraient rester volatiles.

La réunion du comité de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed) des 16 et 17 mars est particulièrement attendue. Dans un contexte de nervosité sur les marchés de taux, et alors que la Banque centrale européenne a exprimé sa détermination à contrer tout resserrement des conditions financières lors de sa réunion du 11 mars, les investisseurs s’interrogent sur le degré de tolérance de la Fed vis à vis de ces ajustements haussiers sur les marchés obligataires. De fait, la Fed se trouve dans une situation inconfortable, entre préoccupations de court terme et perspectives à moyen terme.

Si on se place à moyen terme, la hausse actuelle des taux américains est un scénario idéal pour la Fed, qui redoute par-dessus tout de répéter les erreurs du passé. En 2013 l’annonce mal préparée de la réduction des achats de titres avait provoqué une crise sur les marchés, le fameux « taper tantrum ».  Pour le moment, tout va bien : la hausse récente des taux a été très bien absorbée par les marchés : les actions progressent, le marché du crédit reste bien orienté et les anticipations d’inflation restent contenues… Nous n’anticipons pas d’annonce de réduction des achats avant probablement la fin de cette année, pour une mise en œuvre effective en 2022. Mais il est évident que des taux longs plus élevés, donc plus compatibles avec une politique monétaire moins accommodante à l’avenir, sont plutôt bienvenus pour une Banque centrale très soucieuse de la stabilité financière.

D’un point de vue plus court terme, sa tolérance par rapport à des taux orientés à la hausse est sans doute plus limitée. Il faut noter que la reprise de l’économie reste fragile, notamment sur le front de l’emploi, avec un taux de participation qui, à 61,4% en février reste en deçà des 63,4% d’avant crise. Coté inflation, l’objectif des 2% est encore lointain : si l’indice des prix à la consommation (CPI) a augmenté en février de 0,4% par rapport à janvier et de 1,7% sur un an, l’indice de base (« core CPI« ), qui exclut l’énergie et des produits alimentaires, affiche une hausse de 0,1% seulement d’un mois sur l’autre et de 1,3% par rapport à février 2020. Dans un contexte où la Fed est encore loin d’atteindre ses objectifs de plein emploi et de stabilité des prix, tout emballement sur les taux -et donc un durcissement significatif des conditions financières- serait malvenu, et pourrait donc provoquer son intervention.

Tout est donc une question de mesure : il est fort probable que la Fed indique aux marchés qu’elle ne tolèrerait pas une hausse trop rapide et trop forte des taux et qu’elle dispose de toute la panoplie nécessaire à contrer ces développements, restant ainsi fidèle à sa ligne de conduite, selon laquelle il y a moins de risque à en faire plus qu’à en faire moins.

Si sa détermination pourrait limiter un moment la tendance haussière sur les taux, il lui sera néanmoins difficile de l’empêcher, dans la mesure où des taux plus élevés reflètent de facto des perspectives de retour à une croissance forte sur les deux prochaines années. Dans ce contexte, il est probable que les marchés de taux restent volatiles.

Franck Dixmier, Global CIO Fixed Income d’AllianzGI

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