Ludovic Colin : « le pire scénario reste l’élection potentielle de Marine Le Pen au second tour. « 

1) Comment pensez-vous que les obligations françaises et européennes réagiront si le Rassemblement national de Marine Le Pen obtient de bons résultats au premier tour des élections françaises ?

Les obligations françaises vont très probablement s’élargir par rapport au bund allemand. Un écart entre 70 et 90 pb semble réaliste, surtout si le score de Marine Le Pen est très élevé. Nous nous attendons également à ce que l’Italie, l’Espagne et le Portugal s’élargissent un peu, car l’Europe devient un point d’interrogation. Comme il s’agit d’une élection à deux tours, le pire scénario reste l’élection potentielle de Marine Le Pen au second tour. Les obligations d’entreprises seront également un peu affaiblies, mais nous ne nous attendons pas à un bouleversement trop important pour l’instant.

2) Avez-vous modifié vos allocations à l’approche de l’élection, et si oui, qu’est-ce qui a changé dans les portefeuilles de l’équipe ?

Nous avions déjà pris une position sur le spread France il y a quelques mois, notre exposition nette à la France est très faible. Nous allons attendre l’entre-deux-tour avant d’augmenter les couvertures sur notre portefeuille. Nous réduisons déjà le risque en raison de la situation mondiale (rien de spécifique à la France), nous ne sommes donc pas pressés de réduire davantage le risque à ce stade.

3) L’Union européenne serait-elle en danger si la France passait à l’extrême-droite ?

Non. Marine Le Pen a retiré de FREXIT de son programme qui lui avait coûté cher en 2017, donc nous ne pensons pas que son élection représente un risque existentiel pour l’UE ou l’Euro. De plus, elle aura beaucoup de mal à obtenir une majorité au Parlement, et son pouvoir de faire de grands changements structurels sera donc très faible. Le problème réside dans ses relations avec l’UE sur des sujets comme l’immigration et les allocations versées aux immigrants, par exemple. Elle ralentira toute intégration plus poussée des politiques fiscales défendues par Emmanuel Macron, ce qui sera sans doute coûteux en termes d’investissement et de croissance.

4) Comment le marché obligataire européen pourrait-il changer en conséquence ?

Selon nous, Marine Le Pen ne représentera pas un grand changement sur la scène internationale / européenne. De plus, elle ne sera pas en mesure d’atteindre une majorité au Parlement. Les combinaisons politiques sont nombreuses, mais elle devra beaucoup édulcorer son programme pour pouvoir gouverner le pays. L’agenda de Marine Le Pen reste principalement national, centré sur le coût de la vie et l’immigration. L’UE n’est plus son principal cheval de bataille.

5) Quelle est, selon vous, la probabilité d’un bouleversement surprise lors des élections françaises (comme le Brexit/Trump, par exemple) ?

C’est très difficile à dire, mais le risque a augmenté. La France est un pays où les gens n’aiment pas dire ouvertement pour qui ils vont voter. En 2002 et 2017, le « front républicain », les personnes de toute obédience politique votant contre les Le Pen, se sont massivement prononcés au second tour. Difficile de prédire ce qu’il en sera cette fois-ci. Le débat du second tour entre les deux candidats est toujours extrêmement important. Mitterrand a gagné 1981 grâce à ce débat, Sarkozy a détruit son adversaire en 2007, et Macron s’est assuré  la coopération de ce front républicain lors du débat en 2017

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