L’inflation va augmenter et perdurer !
L’inflation a connu une nouvelle accélération en France au mois de mai, à 5,2 % sur un an, selon une première estimation dévoilée, mardi, par l’Insee.
Depuis plusieurs mois, la tendance est observée par tous les ménages français : les factures grimpent. En avril, l’inflation a continué à accélérer, s’élevant désormais à 4,8% sur un an, selon une prévision de l’Insee, du jamais vu depuis novembre 1985. Chez nos voisins, cet indicateur est même encore plus élevé. Ce mercredi, l’OCDE a révélé que l’inflation de ses pays membres (essentiellement Europe occidentale et Amérique du nord) s’y élevait à 8,8% en mars 2022, essentiellement portée par les prix de l’énergie.
Outre l’électricité ou le gaz, le ticket de caisse des supermarchés suit à son tour la même tendance. Et ce serait parti pour durer. D’après Dominique Schelcher, président de Système U, l’inflation en France « pourrait atteindre 7%, 8%, voire 10% », prévient-il dans les colonnes du Parisien. Cette prévision est-elle réaliste ? Qui va devoir la supporter ? Quand peut-on espérer un retour à la normale ? L’économiste Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), nous éclaire.
Une inflation à 10%, est-ce vraiment envisageable en France ?
Aujourd’hui, nous ne sommes pas partis pour cela, mais pourquoi pas. Plusieurs de nos partenaires, comme l’Espagne ou les Pays-Bas, connaissent déjà une inflation à plus de 10%. En France, elle est un peu plus maîtrisée en raison de notre mix énergétique et du bouclier tarifaire des prix de l’électricité. Mais il est possible que l’augmentation se poursuive, puisqu’un embargo sur le pétrole russe, puis éventuellement sur le gaz, aurait des conséquences non négligeables et continuerait à alimenter cette inflation. Il faudrait alors s’attendre à des prix des matières premières énergétiques ou alimentaires en hausse. De ce point de vue, les 10% sont possibles.
Les leçons de l’histoire
Le 20e siècle a connu des périodes inflationnistes multiples, à différentes époques et sur des espaces géographiques variables. On pense naturellement aux conséquences catastrophiques des deux guerres mondiales. En France, par exemple, l’inflation a atteint des taux frôlant les 40% au sortir de la première guerre. A la fin de la seconde, elle y approchait les 60%. Seul le rétablissement de la paix a pu calmer ces deux phases d’hyperinflation. Visiblement, guerres et inflation vont de pair. C’est ainsi qu’au début du 19e siècle, lors des guerres napoléoniennes, se produisirent également des pics inflationnistes. Aux Etats-Unis, tout comme plus tard durant les deux grands conflits du 20e siècle, la guerre de Sécession du milieu du 19e siècle a donné lieu au même phénomène. Dans des proportions bien plus aiguës, l’Allemagne l’a connu également après sa défaite en 1918. Elle en sortit difficilement en instaurant une monnaie forte, en garantissant la stricte indépendance de sa banque centrale et en mettant en œuvre une politique d’austérité budgétaire.
Plus près de nous, les deux chocs pétroliers des années 1970 ont été générateurs d’inflation en Europe comme aux Etats-Unis. Nommé par le président Jimmy Carter en 1979 à la tête de la Fed, Paul Volcker mit alors en place une politique monétaire visant à contenir une inflation avoisinant les 13%. Il procéda à une hausse brutale des taux d’intérêt, le taux directeur passant de 11% à 20%. On peut dire que cette politique fut efficace sur le volet inflationniste : l’inflation, après s’être stabilisée autour des 3% en 1983, resta ainsi en dessous des 5% pendant plusieurs décennies. A contrario, les Etats-Unis connurent une récession dont un des facteurs fut cette hausse discontinue des taux d’intérêts. Raison pour laquelle, Jimmy Carter, candidat démocrate à sa propre réélection en 1980, échoua face au candidat républicain, Ronald Reagan.