Hausse des taux de la BCE positive mais une équation complexe pour les banques européennes Par Nicolas Hardy
La décision sur les taux de la BCE marque une accélération de la revalorisation des bilans des banques européennes et devrait être globalement positive après 10 ans de baisse et de taux négatifs. Mais des taux plus élevés avec des volumes de prêts plus faibles ne mettront pas fin aux problèmes de rentabilité des banques.
Les revenus d’intérêts se sont érodés ces dernières années en raison de taux d’intérêt bas pour longtemps. Les banques ont réussi à limiter l’impact de cette érosion grâce à un déplacement parallèle des charges d’intérêts. Les hausses de taux sont désormais résolument à l’ordre du jour et les banques ont positionné la duration de leurs bilans pour bénéficier de la revalorisation. Cependant, les banques ne sont pas également positionnées pour bénéficier de ce mouvement.
La décision de la BCE vise à rendre l’emprunt plus cher, mais aussi à rendre l’épargne plus attractive. Il convient de noter que les banques ont déjà accumulé des liquidités excédentaires pendant la pandémie grâce aux politiques accommodantes de la banque centrale et aux dépôts de précaution des clients. La question de la gestion des passifs excédentaires deviendra plus urgente si la politique de limitation de la demande de crédit s’avère efficace.
La BCE veut également s’assurer que les prélèvements arrivant à échéance sur les TLTRO « n’entravent pas la bonne transmission de la politique monétaire » et elle « évaluera les options pour rémunérer les liquidités excédentaires » . Mais il reste à voir si la BCE sera en mesure de prioriser l’efficacité de la transmission de la politique monétaire en douceur à mesure que les mesures de soutien seront retirées.
L’introduction du Transmission Protection Instrument (TPI) pourrait permettre l’achat de titres du secteur privé. Dans l’attente de tous les détails, le TPI pourrait fonctionner comme un mécanisme de soutien en cas de conditions de marché défavorables pour les banques les plus exposées. Nous nous attendons à ce que cette option ne soit mise en œuvre que dans des circonstances très spécifiques.
L’érosion marginale des revenus d’intérêts reflète la gestion efficace du bilan des banques (en milliards d’EUR)
Données agrégées d’un échantillon de 30 grandes banques européennes. Source : SNL, évaluations de la portée
Dans de nombreux pays, les banques centrales ont déjà commencé à relever leurs taux directeurs (voir les perspectives souveraines à mi-année de Scope ). Les banques européennes implantées dans ces pays, comme en Norvège ou en République tchèque, profitent de ce mouvement précoce. Cependant, sur les marchés les plus concurrentiels, les clients sont passés à des taux fixes, ce qui retardera la retarification des backbooks.
Taux directeurs dans une sélection de pays européens (2015-2023F)
Source : banques centrales, Scope Ratings
La vitesse à laquelle les dépôts sont revalorisés ou la façon dont les banques peuvent maintenir l’accès à des marchés de gros plus volatils influenceront également les coûts de refinancement des banques. Les écarts de crédit se sont considérablement élargis cette année en prévision d’un ralentissement de la croissance économique, et le volume des émissions a ralenti. Mais jusqu’à présent, dans l’ensemble, il n’y a aucun signe de resserrement du crédit, les banques ayant continué à s’endetter comme les années précédentes.
Émissions de dette non sécurisée des banques européennes (Mds EUR)
Source : Bloomberg, estimations Scope Ratings.
La hausse des taux d’intérêt permettra aux investisseurs de mieux différencier les créanciers grâce à des primes de risque plus élevées. Les banques appliqueront des primes de risque à leurs clients mais elles y seront également exposées. Une fuite vers la qualité dans des conditions d’exploitation plus difficiles pourrait accentuer cette évolution.
Le défi de la rentabilité sera aggravé par des coûts d’exploitation plus élevés (en raison des augmentations de salaires) et un coût du risque plus élevé, le resserrement des conditions financières entraînant la formation de prêts non performants. Cela explique pourquoi les valorisations bancaires restent inférieures à la valeur comptable pour de nombreuses banques européennes.
Scope Ratings, la première agence européenne de notation de crédit, propose à ses clients une analyse du risque de crédit axée sur l’opinion, prospective et non mécanique, créant une plus grande diversité d’opinions pour les investisseurs institutionnels.