Conditions et normes juridiques permettant à une cour constitutionnelle d’invalider des élections : rapport urgent de la Commission de Venise

Faisant suite à une demande formulée le mois dernier par Theodoros Rousopoulos, Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), la Commission de Venise du Conseil de l’Europe a publié aujourd’hui un rapport urgent sur les conditions et les normes juridiques permettant à une cour constitutionnelle d’invalider des élections.

Si ce rapport s’appuie sur des éléments liés à une affaire récente en Roumanie – qui portait sur l’invalidation d’office d’une élection, sur le rôle des technologies numériques dans les campagnes électorales et sur l’influence extérieure d’un autre État –, il n’appartient pas à la Commission de Venise d’apprécier les faits dans l’affaire roumaine ni d’examiner la décision prise par la Cour constitutionnelle roumaine. La question posée à la Commission de Venise est de nature générale et renvoie à une analyse de droit constitutionnel comparé général et des normes européennes et internationales.

Le rapport souligne qu’une cour constitutionnelle ne peut invalider des élections que dans certaines circonstances – et sous réserve que de nombreuses conditions et garanties soient respectées.

Dans le cadre de ces conditions et garanties, la Commission de Venise est notamment arrivée aux conclusions suivantes dans son rapport.

Les normes internationales n’imposent ni n’interdisent en principe les décisions ex officio des cours constitutionnelles. Gardant à l’esprit que les tribunaux, y compris les cours constitutionnelles, se caractérisent par le fait qu’elles réagissent à une situation donnée plutôt qu’elles ne prennent une initiative, la Commission de Venise estime que le pouvoir des cours constitutionnelles d’invalider des élections d’office devrait être limité à des circonstances exceptionnelles et clairement réglementé, afin de préserver la confiance des électeurs dans la légitimité des élections.

L’annulation d’une élection ne peut être autorisée que dans des circonstances exceptionnelles (principe de l’ultima ratio). Le Code de bonne conduite en matière électorale exige un système de recours efficace et prévoit notamment que « l’instance de recours doit pouvoir annuler le scrutin si une irrégularité a pu influencer le résultat ».

Il devrait être possible de contester les résultats des élections sur la base de violations des droits, libertés et intérêts électoraux non seulement par l’État, mais aussi par les participants au processus électoral publics et privés – en gardant à l’esprit que l’État a l’obligation positive de garantir des élections libres et une campagne équitable.

Les garanties procédurales sont cruciales, comme l’indique la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et toute décision d’annuler une élection doit être suffisamment expliquée, en exposant clairement les faits prouvant de graves irrégularités.

La propagande de campagne relève généralement de la liberté d’expression, sauf si elle dépasse les limites autorisées, par exemple si elle prend la forme d’un discours de haine contre les opposants politiques.

Bien qu’une campagne en ligne basée sur les plateformes de médias sociaux puisse être nouvelle dans sa forme et son impact, son utilisation devrait toujours être soumise aux règles générales sur le financement des campagnes électorales et la transparence.

Il est difficile de prouver les violations du droit commises dans le cadre de campagnes menées en ligne et via les médias sociaux. Les décisions bien motivées et transparentes sont cruciales. Elles doivent indiquer précisément les violations et les preuves, et ne doivent pas être fondées uniquement sur des renseignements classifiés (qui ne peuvent être utilisés qu’à titre d’informations contextuelles), car cela ne garantirait pas la transparence et la vérifiabilité nécessaires.

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