Le point sur la stratégie allocation  

Par Nadège Dufossé, CFA, responsable global multi-asset chez Candriam

Les marchés ont surmonté le mouvement de consolidation à court terme grâce à des éléments bottom-up et top-down : au niveau microéconomique, la saison des résultats du premier trimestre a été favorable des deux côtés de l’Atlantique, l’économie mondiale s’avérant plus solide qu’attendu en début d’année. Dans le secteur manufacturier, les signaux de sortie de récession suggèrent une diffusion des bénéfices, au-delà des États-Unis et du secteur technologique. D’un point de vue macroéconomique, l’actualité aux États-Unis contraste désormais avec la situation en Europe et en Chine : les indicateurs économiques plus faibles que prévu aux États-Unis sont compensés par des surprises positives dans ces deux régions. La bonne nouvelle, c’est que les craintes d’un éventuel durcissement de la politique monétaire de la Fed semblent s’estomper. Enfin, les derniers chiffres de l’inflation (chute des cours du pétrole/prix à la consommation d’avril) ont confirmé la tendance désinflationniste mondiale. Si le risque associé à un scénario de stagflation ne peut être totalement écarté, les taux d’intérêt ont atteint un plafond et la croissance se montre résistante, ce qui justifie notre surpondération des actions et notre position longue sur la duration.

Rester investi en mai

Sans surprise, le mois d’avril a été marqué par une consolidation après les solides performances enregistrées au cours des deux trimestres précédents. En conséquence, notre indicateur composite du sentiment, fondé sur une batterie complète de facteurs de marché, de données techniques et d’enquêtes auprès des investisseurs, a reculé après avoir déclenché un signal d’alerte en atteignant le niveau d’« euphorie » à la mi-mars.

Historiquement, les actions atteignent un plancher en mai et se redressent jusqu’en août pendant les années d’élections aux États-Unis. Par conséquent, « Rester investi en mai », juin, juillet et août pourrait être la bonne tactique avant l’entrée dans le cycle électoral cet automne. Pour la suite, les facteurs fondamentaux semblent désormais plus encourageants.

Cap franchi pour le cycle d’activité européen

Nous sommes plus optimistes sur les actions européennes après le rebond du PIB : la croissance a atteint 0,3 % au cours du premier trimestre dans la zone euro, alors qu’une quasi-stagnation était attendue. Cette reprise de l’activité, jusque-là au point mort, devrait soutenir les valorisations des actions de la région et permettre une généralisation des bonnes performances. Les indicateurs prospectifs vont incontestablement dans ce sens.

En outre, la BCE a confirmé son intention d’assouplir sa politique monétaire le 6 juin, une décision davantage fondée sur l’amélioration (la baisse) de l’inflation que sur l’action de la Réserve fédérale.

De fait, l’Europe devrait enregistrer une décélération de l’inflation plus rapide et plus durable que les États-Unis. Sauf choc imprévu, selon nos prévisions, l’inflation globale en zone euro pourrait atteindre 2,0 % vers la fin du troisième trimestre, avant de se redresser légèrement, puis passer la majeure partie de l’année 2025 juste en dessous de l’objectif d’inflation de 2,0 % fixé par la BCE. Parallèlement, l’inflation sous-jacente dans la région devrait converger progressivement vers 2,0 % d’ici le premier semestre 2025. En résumé, un IPC global et un IPC de base à 2,5 % en glissement annuel aujourd’hui, et qui passeraient sous la barre des 2 % en 2025, devraient permettre à la BCE d’abaisser ses taux dès le mois de juin.

Sur ce même horizon de 18 mois, nous prévoyons que l’IPC global et l’IPC de base aux États-Unis resteront supérieurs à 3,0 % cette année avant d’atteindre l’objectif de la banque centrale au premier semestre 2025. A l’évidence, cette dynamique permet à la BCE d’abaisser ses taux directeurs plus tôt que la Fed.

Les prochaines baisses de taux devraient en outre plafonner les rendements obligataires à long terme, ce qui justifie notre position longue sur la duration. Il convient de noter que c’est la première fois en 25 ans d’histoire de la BCE que le taux de référence sera réduit dans un contexte de désinflation qui progresse et non en raison d’un ralentissement de l’activité.

Des surprises économiques à la baisse aux Etats-Unis : une bonne nouvelle

La croissance économique aux États-Unis a constamment surpris à la hausse au cours des 18 derniers mois, ce qui a entraîné des relèvements répétés des estimations du consensus. Par conséquent, contrairement à ce que l’on observe en Europe, où les indicateurs ont peu de chances de décevoir dans un contexte déjà relativement dégradé, il sera désormais difficile pour les indicateurs économiques américains de dépasser les attentes.

Autrement dit, si la croissance reste globalement solide aux États-Unis, il serait ambitieux d’anticiper une accélération à partir de maintenant. À cet égard, plusieurs indicateurs ont déçu au cours des dernières semaines (surprises économiques négatives).

Les surprises à la baisse sont probablement une bonne nouvelle pour les anticipations de baisses des taux de la Fed par le marché. Alors que les craintes manifestées par les investisseurs depuis le début de l’année vis-à-vis d’un possible durcissement de la Fed refluent, le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans a atteint un pic de 4,70 % à la fin avril. Il est intéressant de noter que les récents moteurs des taux à long terme ont été les points morts d’inflation et les rendements, reflets des anticipations d’inflation et de croissance futures.

Un contexte favorable aux actions et aux obligations souveraines

Les réunions des banques centrales se sont avérées rassurantes et les baisses de taux à venir en Europe pourraient offrir un soutien supplémentaire, tout en plafonnant les rendements obligataires à long terme. Par conséquent, nous conservons une position longue sur la duration via les obligations souveraines européennes et américaines.

Les rendements américains sont passés de 5,0 % à 3,8 % entre la mi-octobre et fin 2023, avant de revenir à 4,7 % en avril. Nous avons atteint le point d’entrée espéré, ce qui nous a incités à renforcer notre duration dans la région également.

À l’inverse, nous avons récemment réduit notre exposition au crédit à neutre (dette investment grade, dette high yield et dette émergente). Nous avons ainsi enregistré de beaux bénéfices sur cette conviction de longue date dans un contexte de resserrement des spreads de crédit. Alors que nous ne prévoyons pas d’augmentation significative des spreads dans un futur proche, une amélioration  semble peu probable. Nous préférons prendre le risque de duration via les émissions souveraines.

En ce qui concerne les actions, nous accroissons nos positions et passons de « surpondération légère » à « surpondération ». L’allocation conserve un biais cyclique et nous renforçons les actions japonaises et européennes, tout en réduisant l’exposition au marché américain : parmi les principales régions d’investissement, les États-Unis sont les moins sensibles à une hausse des indicateurs d’activité tels que l’indice mondial des directeurs d’achat.

Renforcement de la surpondération des actions

  • Actions : nous accroissons nos positions et passons de « surpondération légère » à « surpondération ». Les récents indicateurs d’activité et les baisses de taux à venir pourraient soutenir davantage les marchés.
  • Obligations : les réunions des banques centrales se sont avérées rassurantes et les baisses de taux à venir pourraient offrir un soutien supplémentaire, tout en plafonnant les rendements obligataires à long terme. C’est la première fois en 25 ans d’histoire de la BCE que le taux de référence pourrait être réduit non pas à cause du ralentissement de l’activité, mais en raison des progrès de la désinflation.
  • Devises : les devises liées aux matières premières sont susceptibles de redevenir attrayantes avec la reprise du cycle manufacturier mondial. Nous avons réduit notre position longue sur le yen, la BoJ semblant excessivement prudente.

Nous augmentons l’exposition aux marchés développés hors États-Unis, qui devient légèrement surpondérée

Nous continuons de renforcer le bêta et la cyclicité du portefeuille afin de bénéficier d’un élargissement de l’environnement favorable (inflation plus faible que prévu, croissance plus élevée que prévu). En Europe en particulier, les surprises économiques sont désormais positives, ce qui entraîne une amélioration de la confiance et des flux. Par conséquent, nous faisons passer la note des actions de la zone euro de neutre à légèrement positive, en ajoutant quelques petites capitalisations et banques au portefeuille.

Les valorisations sont attrayantes sur les marchés britanniques, qui offrent un potentiel d’expansion des multiples, tandis que la Banque d’Angleterre devrait commencer à réduire ses taux cet été à l’instar de la BCE.

Au Japon, la sortie d’une déflation longue de plusieurs décennies et le succès des réformes concernant la gouvernance d’entreprise devraient faire plus que compenser l’impact du durcissement relatif de la politique monétaire.

Aux États-Unis, la saison des résultats du premier trimestre a été solide et la révision des anticipations monétaires a probablement atteint son terme. La prochaine étape pourrait être une diffusion des bénéfices (au-delà des États-Unis et du secteur technologique), ce qui nous amène à dégrader la région de surpondérée à légèrement surpondérée.

Aucun changement dans les notes des actions mondiales –Relèvement de la note du secteur immobilier européen

Le mois dernier, nous avons procédé à un ajustement du portefeuille en rétrogradant le secteur de la santé à neutre. Cette décision était fondée sur une vision top-down tenant compte de la vigueur de l’économie américaine et de son impact négatif potentiel sur les secteurs défensifs tels que la santé.

Au niveau régional, nous avons relevé la note du secteur immobilier européen. Nous évitons toutefois d’investir dans les bureaux et les centres commerciaux, même fortement décotés. Nous avons une préférence pour la logistique, les résidences étudiantes, les maisons de retraite et l’immobilier résidentiel. D’un point de vue technique, nous notons que les indices de force relative dessinent une séquence positive.

Préférer le portage aux spreads

Les réunions des banques centrales se sont avérées rassurantes et les baisses de taux à venir pourraient offrir un soutien supplémentaire, tout en plafonnant les rendements obligataires à long terme.

Il convient de noter que c’est la première fois en 25 ans d’histoire de la BCE que le taux de référence pourrait être réduit non pas à cause du ralentissement de l’activité, mais en raison de l’amélioration de la désinflation.

  • Zone euro « core » : les baisses de taux à venir et le ralentissement de l’inflation devraient soutenir la classe d’actifs.
  • Zone euro périphérique : l’inflexion de la politique monétaire de la BCE devrait s’avérer favorable.
  • Investment Grade zone euro : nous avons récemment réduit notre exposition de surpondérée à neutre. Nous avons ainsi enregistré de beaux bénéfices sur cette conviction de longue date dans un contexte de resserrement des spreads de crédit.
  • High Yield zone euro : les spreads des obligations à haut rendement sont serrés, tandis que le durcissement des conditions de crédit s’avère pénalisant. Stabilisation de la tendance des notations, mais hausse des défauts de paiement.
  • Obligations d’État américaines : les rendements américains sont passés de 5,0 % à 3,8 % entre la mi-octobre et fin 2023, avant de revenir à 4,7 % en avril. Nous avons atteint le point d’entrée espéré.
  • Investment Grade États-Unis : les rendements à court terme pourraient être affectés par une consolidation après le net resserrement des spreads, mais le portage reste attrayant à plus long terme.
  • High Yield États-Unis : une certaine prudence s’impose à l’égard de la dette HY américaine, car le resserrement des spreads a réduit le coussin susceptible d’absorber une augmentation des taux de défaut.
  • Dette publique des marchés émergents : la poursuite de la désinflation et la capacité d’assouplissement des banques centrales émergentes sont autant de facteurs favorables, tandis que la région offre le niveau de rendement réel le plus élevé et un portage attrayant. Mais les spreads se sont déjà considérablement resserrés. En outre, la vigueur du dollar représente un risque supplémentaire pour les obligations en devises locales.
  • Obligations d’entreprises des marchés émergents : région offrant le niveau de rendement réel le plus élevé et un portage attrayant. Spreads et rendements dépassent les moyennes historiques. Le positionnement accommodant des banques centrales émergentes devrait constituer un facteur de soutien.

Profiter de la reprise du cycle manufacturier mondial pour acheter les devises liées aux matières premières

  • EUR : l’euro est actuellement soutenu par la reprise de l’activité, mais il est confronté à un assouplissement monétaire plus rapide qu’aux États-Unis.
  • USD : les marchés sont revenus sur leurs prévisions de baisses des taux de la Fed, ce qui soutient le billet vert.
  • JPY : nous avons réduit notre position longue sur le yen, la BoJ semblant excessivement prudente.
  • AUD/CAD/NOK : les devises liées aux matières premières sont susceptibles de redevenir attrayantes avec la reprise du cycle manufacturier mondial.

À propos de Candriam

Candriam, qui signifie « Conviction AND Responsibility IAsset Management », est un gestionnaire d’actifs mondial multi-spécialiste. Pionnier et leader dans le domaine des investissements durables depuis 1996, Candriam gère environ 145 milliards d’euros d’actifs[1] et s’appuie sur une équipe de plus de 600 professionnels. La société dispose de centres de gestion à Luxembourg, Bruxelles, Paris et Londres et ses responsables de clientèle couvrent plus de 20 pays dans toute l’Europe continentale, au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Moyen-Orient. Candriam propose des solutions d’investissement[2] dans plusieurs domaines clés : obligations, actions, gestion alternative et stratégies d’allocation d’actifs, avec une gamme large et innovante de stratégies ESG couvrant toutes ces classes d’actifs.

Candriam est une société du groupe New York Life Investments. New York Life Investments[3] se classe parmi les principaux gestionnaires d’actifs mondiaux[4].

Plus d’informations sur : www.candriam.com

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