Kering : un géant du luxe à la croisée des chemins
L’action Kering (EPA : KER) traverse une période de turbulences marquées. Après avoir connu des sommets boursiers il y a quelques années, le groupe français de luxe – maison mère de Gucci, Yves Saint Laurent et Bottega Veneta – enregistre une des pires performances du CAC 40. Entre difficultés opérationnelles, transition stratégique et attentes du marché, Kering se trouve à un tournant crucial de son histoire.
Une performance boursière en berne
À la date du 21 juin 2025, l’action Kering évolue autour des 179 €, en légère hausse ces derniers jours (+2,3 %), mais très loin de ses sommets historiques au-dessus des 600 €. Sur un an, la capitalisation boursière du groupe a chuté de près de 44 %, tombant à environ 21,9 milliards d’euros. Une chute brutale qui reflète les incertitudes stratégiques entourant le groupe.
Les analystes restent prudents : la majorité recommande de conserver ou de vendre l’action, avec un objectif de cours moyen situé entre 175 et 190 €, signalant un potentiel de hausse modeste à court terme.
Un premier trimestre 2025 décevant
Le groupe a publié des résultats moroses au premier trimestre : le chiffre d’affaires s’établit à 3,88 milliards d’euros, en repli de 14 % par rapport à l’an dernier. Le segment phare – Gucci – enregistre une chute de 25 % de ses revenus. Yves Saint Laurent perd 9 %, tandis que Bottega Veneta parvient à tirer son épingle du jeu avec une hausse de +4 %.
Face à cette situation, les analystes ont revu à la baisse leurs prévisions : Deutsche Bank a réduit de 13 % ses estimations de bénéfices pour 2025. La filiale parfums, Creed, récemment acquise, ne compense pas encore les baisses observées chez les marques historiques.
Enjeux stratégiques et espoirs de redressement
Une nouvelle direction à la manœuvre
Le groupe a annoncé l’arrivée de Luca de Meo, ex-PDG de Renault, à la tête de Kering en septembre prochain. Ce choix surprenant, en dehors du cercle traditionnel du luxe, a été salué par le marché : l’action a brièvement gagné 10 % à l’annonce. Sa mission : restaurer la rigueur opérationnelle, repenser les marques et redonner un cap stratégique clair.
Redynamiser Gucci
Marque emblématique du groupe, Gucci est en perte de vitesse, souffrant d’un positionnement flou et d’une image dégradée face à ses concurrents comme Hermès ou LVMH. Le défi sera de repositionner Gucci vers un luxe plus exclusif, en ligne avec les tendances actuelles du “quiet luxury”.
Désendettement et discipline financière
La situation financière reste tendue : l’endettement du groupe dépasse deux fois son EBITDA, conséquence des investissements récents et des acquisitions. La vente d’actifs immobiliers pour 837 millions d’euros à Ardian apporte un bol d’air, mais le besoin de réduire la dette reste une priorité stratégique.
Perspectives : prudence de mise
Malgré une valorisation jugée légèrement sous-estimée (certains analystes fixent un “juste prix” autour de 198 €), le potentiel de rebond est conditionné à la mise en œuvre rapide et efficace de la nouvelle stratégie. Le consensus table sur une stabilisation autour des 175–185 € sur les 6 à 12 mois à venir.
Les catalyseurs à surveiller :
- L’impact réel de Luca de Meo sur la gouvernance et les marques,
- L’évolution des ventes en Chine et aux États-Unis,
- Le redressement de Gucci et la montée en gamme des marques secondaires,
- La réduction effective de la dette.
Conclusion
Le groupe Kering, longtemps perçu comme un modèle de réussite dans le secteur du luxe, entre dans une phase critique de redéfinition. Si le potentiel de long terme reste intact – porté par un portefeuille de marques puissantes – les défis à court terme sont nombreux. L’action pourrait séduire les investisseurs patients, convaincus par la capacité du nouveau dirigeant à transformer le groupe. Mais pour l’instant, la prudence reste de rigueur : les signaux d’un vrai redressement devront se matérialiser dans les trimestres à venir.